Les rumeurs auront toujours la vie belle.
Amérique du Sud? Monde de la corruption!
On l’associe souvent à la drogue.
On incrimine toujours les forces de loi.
La police en premier lieu.
Mais …
La route se développait tranquillement entre Lima et Barranca.
A cet endroit, particulièrement, elle est magnifique.
Elle suit la côte.
Aussi sauvage que dans le Sud du Pérou,
tantôt à longer les plages désertes,
tantôt à grimper les falaises,
chaque point culminant donnant à de magnifiques perspectives embrasant du Pacifique à la Cordillère sur plusieurs dizaines de kilomètres! … Quant le ciel le permet.
Pour seuls points verts, les vallées creusées par les rivières se répandant des pics lointains.
Il gesticule au milieu de la route.
Une 4 voies.
Je ne peux pas appeler cela une autoroute, je ne paie pas. Je n’ai jamais payé depuis Buenos Aires. Les motos ne paient pas. Le passage des péages à eux seuls pourrait faire l’objet de descriptions rocambolesques.
Son 4×4, déglingué, garé sur le terre-plein central.
Son acolyte s’occupe de l’autre côté.
Il veut que je m’arrête?
Je stoppe sur le bas-côté.
– « Vous rouliez trop vite! Vous n’avez pas vu le panneau là, il est indiqué 30 km/h! »
Là, tu te dis : ça y est je suis bon! Il n’a pas de radar. Il ne sait pas à quelle vitesse j’allais mais de toute façon je roulais trop vite. Pas la peine de discuter, laissons voir!!
– « Et qu’est-ce qu’il se passe dans ces cas-là!! »
– « C’est grave! »
Aïe! ça va être très cher! il va falloir marchander serré!!
– « Très grave! »
Bon! ça va être très … très cher! je repars pas avant quelque temps!!
La mise en scène est au point : l’air magistral, le geste pompeux, il sort le petit fascicule de l’intérieur de sa veste, le montre suffisamment rapidement pour que rien ne puisse être vérifier et assène un montant issue d’un calcul hurluberlu : 10% d’un 3500 solès sorti d’on ne sais où!
– « 350 solès?!!!!!? »
Il n’a pas encore eu le temps de faire le calcul que je prends l’air le plus CON possible!!! (je ne vous donne pas encore la chute de l’histoire, mais je sais faire!!). Et …
– … Silence …
– « Vous savez, on a besoin d’essence pour le 4×4. Vous pouvez aussi nous faire le plein. »
Il doit bien y avoir 60 litres dans son bousier. A 14 solès le gallon, je tape dans les 200 solès : ça descend!!
– « 200 solès? »
– « Non! Plus! »
– « Il y a combien de litres dans le réservoir? »
– « 40! »
– « C’est tout? »
– « Oui! »
Où suis-je? et qu’est-ce qu’il attend d’autre que de se ridiculiser? je suis sur le mauvais terrain!
– … Silence …
– … Silence …
– « Non! c’est beaucoup trop! »
– « Vous pouvez combien? »
Ca y est! j’y suis, sur le bon terrain!
– « Je ne sais pas : sans facture? »
– « pour l’essence »
– … Silence …
– « 100 solès? »
– … Silence …
Là! je commence à bouillir : coupable de rien mais à marchander quand même!! Je prends mes affaires et je fais, à pied, les 50 mètres qui me séparent du panneau dépassé. Je reviens.
– « Non! je ne suis pas d’accord! le panneau n’indique pas 30 km/h, le panneau indique virage dangereux. Virage dangereux, ce n’est pas 30 km/h. Le seul panneau que j’ai vu, c’est au péage, il indiquait 100 km/h pour les voitures, rien n’est spécifié pour les motos, mais je ne roulais pas plus vite que 90 km/h. »
– « Oui mais vous rouliez trop vite! »
Eh! Con! Obtus! Si je roulais à 30 km/h au niveau du panneau, t’y passais, je t’écrasais… alors tu ne vas pas me gonfler longtemps … mais … patience!!
– « Combien? »
– « 100 solès »
– « 30 solès »
Le prix de la tranquillité!!
– « 50 solès »
– « 30 solès, c’est le prix de deux nuits, je ne peux pas payer plus de deux nuits alors que je ne roulais pas trop vite!! »
– « Bon! 30 solès! »
Je sors 30 solès.
Il ne faut qu’il ait à me rendre la monnaie.
Je paie.
Et là? Je ne sais pas ce qu’il s’est passé exactement.
On est parti dans une grande discussion « vous venez d’où? », « depuis combien de temps? », « par où êtes-vous passé? », … et pendant que je déballe l’historique, me vient l’idée de passer un petit bonjour au Major Gamarra (que j’avais appris à connaître lors de mes séjours au poste de police de Lima) en lui glissant le numéro de la plaque d’immatriculation des deux pourris. Je ne crois pas qu’ils aient vu que je notais leur numéro de plaque. Je ne sais pas qui que quoi. Toujours est-il que je m’apprête à démarrer quand le pourri en chef traverse la voie rapide en courant, les billets chiffonnés à la main, et me les tend.
– « Non! vous faites un grand voyage, vous en aurez besoin!! »
Il y a gagné une cigarette!!
Je roulais à 90 km/h. Je me suis fait arrêter quelques heures plus tard sans casque. Je me suis fait arrêter le lendemain en sens interdit. Je n’ai jamais été verbalisé!!
t’es trop fort, Arturo!
un vrai aventurier du XXIè siècle -j’en frissonne encore!